Etat et philanthropie

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Lundi 9 avril 2018

État et philanthropie en France depuis 1789 : une opposition factice ?

On entend souvent que la philanthropie en France a pris du retard car l’Etat détient historiquement le monopole de l’intérêt général. Si elles sont aujourd’hui encouragées par l’Etat, les contributions des acteurs privés à l’intérêt général semblent contredire un « modèle social français » où l’Etat seul institue le contrat social et où la société civile ne joue qu’un rôle résiduel. Dans cette vision répandue, la Révolution de 1789 aurait amoindri la philanthropie pour instaurer les bases de l’Etat Providence, qu’on le déplore ou qu’on s’en félicite. Mais cette opposition entre pouvoirs publics et acteurs privés est-elle fondée, historiquement ? Des recherches récentes en histoire, en sociologie et en science politique contredisent cette vision. Au cours du 19e siècle, les philanthropes ne pensaient pas leur engagement dans un rapport d’opposition à l’Etat : au contraire, la philanthropie était un idéal révolutionnaire et républicain, une source d’inspiration pour les premières réformes sociales, et une ressource pour accéder à des positions de pouvoir. De son côté, malgré les changements de régime, l’Etat français depuis 1789 a constamment octroyé de la reconnaissance – pensons par exemple à la reconnaissance d’utilité publique – et des récompenses aux acteurs philanthropiques, convertissant leur engagement en « prestige d’Etat ». En intégrant les contributions privées à l’intérêt général, l’Etat français a enrôlé la philanthropie au service de sa propre puissance, ce qui a contribué à masquer ou du moins minorer le rôle social de cette philanthropie, pourtant bien réel. Ce sont ces relations historiques complexes et enchevêtrées que nous vous proposons d’explorer.

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